
Entretien avec Mathieu Havard – PDG du Groupe BEMA
- Pourquoi la météo impacte-t-elle les chantiers forestiers ? Quels types de chantiers sont les plus touchés ?
« Les conditions météorologiques de ce début d’année, marquées par des épisodes de pluie à répétition, ont des conséquences désastreuses sur les chantiers forestiers. On en découvre presque chaque jour de nouvelles, qui accentuent nos difficultés économiques. La pluie réduit considérablement le temps de travail des machines, ce qui entraîne une baisse du chiffre d’affaires des entreprises de travaux forestiers (ETF) et des difficultés à honorer les remboursements de matériel. Moins de bois est exploité, ce qui crée une tension sur le marché avec un risque de pénurie conjoncturelle.
Même quand les machines peuvent intervenir, elles doivent souvent être équipées de tracks (chenilles), ce qui engendre une surconsommation de carburant, une usure accélérée des pneus, et surtout des rendements très faibles. Les coûts d’abattage et de débardage augmentent de +30 à +70 %. Enfin, l’impact sur les sols et les routes est non négligeable : les entreprises doivent parfois remettre en état les chemins, sans possibilité de répercuter ces frais dans le prix du bois. C’est un nouveau coup porté à la rentabilité des exploitations. »
- Quel est l’impact concret sur l’activité de BEMA, ainsi que sur vos clients et leur approvisionnement ?
« Notre activité est fortement ralentie. Depuis deux ans, très peu de chantiers sont accessibles dans de bonnes conditions. Les rares exploitations possibles se trouvent sur des terrains adaptés… mais la demande y est telle que les prix du bois s’envolent, avec des hausses allant de +50 % à +100 % par rapport à la normale.
Cette situation impacte aussi fortement nos clients. Les volumes disponibles sont moindres, les coûts de transport augmentent – les distances pour atteindre les chantiers s’allongent – et les bois commercialisés sont très humides. Cela entraîne une dévalorisation des produits via la formule de calcul du PCI (pouvoir calorifique inférieur), ce qui réduit encore les marges. »
- Quelle stratégie avez-vous adoptée pour vous adapter à cette situation ?
« Nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter au jour le jour, en optimisant ce qui peut l’être. Cela passe par une sélection rigoureuse des chantiers, une planification plus souple, et une recherche permanente de solutions techniques pour limiter les surcoûts (utilisation de tracks, ajustements logistiques, etc.).
Mais malgré tous ces efforts, les leviers à notre disposition sont limités, et l’impact économique reste très lourd. »
- Quels leviers ou solutions plus larges devraient être envisagés à l’échelle de la filière ?
« Il devient urgent d’envisager des solutions plus globales. Cela pourrait passer par un soutien accru aux ETF pour faire face à la hausse des coûts d’exploitation, des aides ciblées pour la remise en état des voiries forestières.
Favoriser une concertation avec l’ensemble des acteurs – exploitants, transformateurs, pouvoirs publics – pour adapter les pratiques et les dispositifs d’accompagnement à ces nouvelles réalités climatiques. Nous sommes face à une situation durable, et seules des réponses collectives permettront de préserver nos activités. »